Par Antoine Printz
Le tarif social de l’énergie, qui garantit automatiquement un prix réduit à certains ménages précarisés, est aujourd’hui au centre de discussions sur son avenir. Dans un contexte de maîtrise budgétaire, des propositions émergent pour le remplacer par des aides plus ciblées, comme des primes. Mais plusieurs acteurs alertent : toute réforme devra préserver la simplicité et l’accessibilité du dispositif, sous peine d’en réduire l’efficacité pour les publics les plus fragiles.
C’est donc peut-être le moment de revenir sur ce qu’est, concrètement, le tarif social.
1 Principes de fonctionnement
Le tarif social constitue une aide précieuse mise en place pour soutenir les ménages ou les personnes répondant à certains critères socio-économiques, afin de les aider à faire face à leurs factures d’énergie, qu’il s’agisse de gaz ou d’électricité. Mis en place au niveau fédéral, le tarif social pour le gaz et l’électricité vise à alléger la facture des ménages les plus vulnérables. Il s’agit d’un tarif réduit, uniforme sur l’ensemble du territoire, quel que soit le fournisseur ou le gestionnaire de réseau. Ce tarif s’applique automatiquement à certains publics, comme les bénéficiaires du revenu d’intégration sociale (RIS), de la GRAPA ou de certaines allocations liées au handicap.
Calculé chaque trimestre par la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (CREG), le tarif social est censé rester inférieur aux offres commerciales du marché. La CREG fixe un montant en se basant sur le tarif le plus bas constaté à l’échelle du pays au moment du calcul. Concrètement, il prend la forme d’un tarif réduit, encadré et calculé chaque trimestre par la Commission de Régulation de l’Électricité et du Gaz (CREG). Ce calcul se base sur les prix les plus bas pratiqués sur le marché belge, en tenant compte de trois éléments essentiels : le coût de l’énergie elle-même, celui de la distribution et celui du transport. Ce mode de fixation garantit un tarif avantageux pour les bénéficiaires.
Un mécanisme de plafonnement vient en complément pour éviter des hausses trop brutales et atténuer l’impact de la volatilité des marchés de l’énergie. Ainsi, pour l’électricité, le tarif social ne peut augmenter de plus de 10 % par rapport au trimestre précédent ni dépasser une hausse de 20 % par rapport à la moyenne des quatre derniers trimestres. Du côté du gaz, les seuils sont fixés à une hausse maximale de 15 % par rapport au trimestre précédent, et de 25 % par rapport à la moyenne des quatre derniers trimestres.
En outre, deux différences majeures distinguent le tarif social des contrats classiques. Certes, il en reprend les principales composantes — à savoir le coût de la commodité (c’est-à-dire le prix de l’énergie elle-même), les frais liés à l’utilisation du réseau, ainsi que certaines taxes et accises. Mais plusieurs allégements sont spécifiquement prévus pour les bénéficiaires. D’une part, certaines taxes habituellement appliquées sur les contrats standards en sont exclues. D’autre part, les accises sont appliquées à un taux réduit[1].
2 Réduction de la vulnérabilité énergétique
Pris ensemble, ces différents aménagements permettent de réduire sensiblement le montant total de la facture. Le tarif social garantit presque systématiquement à ses bénéficiaires l’un des prix les plus bas du marché. Il offre également un cadre plus stable, moins exposé aux fluctuations brutales des marchés de l’énergie, ce qui représente un filet de sécurité important dans une période marquée par une forte incertitude sur les prix.
Le récent rapport de l’ Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale sur la privation énergétique[2] montre clairement que le tarif social joue un rôle clé dans la réduction des dépenses énergétiques des ménages à faibles revenus, leur permettant ainsi d’éviter de sombrer dans la précarité énergétique. Ce dispositif, en allégeant significativement les factures d’énergie des foyers les plus vulnérables, se révèle être un bouclier protecteur essentiel pour ceux qui risquent de se retrouver dans une situation d’exclusion énergétique. Il apporte une solution immédiate face à la hausse des prix de l’énergie, comme celle constatée lors de la récente crise, en assurant une stabilité des coûts au quotidien.
En effet, le tarif social ne se contente pas de rendre l’énergie plus abordable. Il réduit également l’impact de l’augmentation des prix, offrant aux ménages une certaine prévisibilité. Ce soutien est particulièrement précieux pour les foyers vivant dans des logements mal isolés, souvent soumis à des dépenses énergétiques élevées, ou pour ceux dont la composition familiale ou les revenus les placent dans une situation de vulnérabilité[3].
3 Conclusion
De ce point de vue, le tarif social va ainsi bien au-delà d’une simple aide financière ponctuelle. Il constitue un levier fondamental de justice sociale et de cohésion. Comme l’affirme la Banque Nationale de Belgique, « le tarif social (ou son élargissement) est donc une mesure effective visant à soutenir les ménages vulnérables[4] ». C’est cette dimension de sécurité tarifaire qui en fait un outil si précieux pour les ménages précaires : ils savent qu’ils paient un prix juste, calculé objectivement, sans avoir à jongler avec les offres parfois opaques du marché libre. En garantissant un minimum de confort et de dignité aux plus fragiles, il fait partie des solutions incontournables pour lutter contre la précarité énergétique et assurer une société plus équitable.
[1] Sur la question des accises, voir l’article sur notre site : https://www.inforgazelec.be/fr/tva-6-et-accises-avantageux-pour-le-consommateur-de-gaz-et-delectricite/
[2] Joël Girès, « La privation énergétique en Région de Bruxelles-Capitale », Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale, 2025
[3] Sur la vulnérabilité énergétique, voir : https://www.inforgazelec.be/fr/bruxelles-vulnerabilite-energetique/
[4] Banque Nationale de Belgique, rapport 2022, p.102