Par Antoine Printz
Le tarif social agit comme un filet de protection pour les ménages les plus vulnérables. Plus stable que les prix du marché, il joue souvent le rôle de bouclier contre les hausses d’énergie. Cette analyse revient sur son évolution entre 2022 et 2025, en la confrontant aux prix moyens des contrats commerciaux.
1 Évolution du tarif social gaz et électricité
Le tarif social appliqué au gaz et à l’électricité constitue un dispositif de protection destiné aux ménages disposant de faibles revenus ou se trouvant en situation de précarité énergétique. Concrètement, il s’agit d’un tarif inférieur à celui des tarifs de marché. Ce tarif réduit est rendu possible grâce à un mécanisme de plafonnement du prix de la commodité, c’est-à-dire du coût de l’énergie elle-même. Ce dispositif vise ainsi à garantir l’accès à l’énergie pour certains des ménages les plus précaires, en limitant l’impact des fluctuations des prix de marché.
Comme pour les contrats commerciaux, la facture d’un client bénéficiant du tarif social est structurée autour des mêmes composantes : la fourniture, le transport et la distribution de l’énergie, ainsi que certaines taxes et redevances. Toutefois, certaines taxes sont exclues, ce qui contribue aussi à alléger le montant total payé par le ménage.
Le tarif social est encadré par la Commission de Régulation de l’Électricité et du Gaz (CREG) et actualisé chaque trimestre. Son calcul repose sur une méthodologie précise : la CREG détermine le niveau du tarif à partir des prix les plus bas observés sur le marché belge pour le coût de la commodité (c’est-à-dire l’énergie elle-même), celui de la distribution, et celui du transport.
Le tableau ci-dessous présente l’évolution trimestrielle des prix du tarif social pour le gaz et l’électricité, depuis le premier trimestre de 2022 jusqu’à la fin de l’année 2025 — le quatrième trimestre ayant fait l’objet d’une publication par la CREG en octobre. Comme pour l’ensemble des prix présentés dans cette analyse, les valeurs affichées intègrent toutes les composantes du tarif final : la fourniture, le transport, la distribution ainsi que les taxes et redevances applicables.
| Électricité (c€/kWh) | Gaz (c€/kWh) | |||
| 1er trimestre 2022 (janvier-mars) | 24,24 | 2,96 | ||
| 2e trimestre 2022 (avril-juin) | 22,91 | – 5 % | 2,85 | + 4 % |
| 3e trimestre 2022 (juillet-septembre) | 24,61 | + 7 % | 3,09 | + 9 % |
| 4e trimestre 2022 (octobre-décembre) | 26,51 | + 8 % | 3,40 | + 10 % |
| 1er trimestre 2023 (janvier-mars) | 28,58 | + 8 % | 3,73 | + 10 % |
| 2e trimestre 2023 (avril-juin) | 30,78 | + 8 % | 4,08 | + 9 % |
| 3e trimestre 2023 (juillet-septembre) | 24,74 | – 20 % | 4,75 | + 16 % |
| 4e trimestre 2023 (octobre-décembre) | 24,07 | – 3 % | 5,20 | + 10 % |
| 1er trimestre 2024 (janvier-mars) | 25,94 | + 8 % | 5,66 | + 9 % |
| 2e trimestre 2024 (avril-juin) | 20,69 | – 20 % | 4,62 | – 18 % |
| 3e trimestre 2024 (juillet-septembre) | 19,71 | – 5 % | 4,75 | + 3 % |
| 4e trimestre 2024 (octobre-décembre) | 21,43 | + 9 % | 5,42 | + 14 % |
| 1er trimestre 2025 (janvier-mars) | 23,32 | + 9 % | 6,19 | + 14 % |
| 2e trimestre 2025 (avril-juin) | 25,04 | + 7 % | 6,48 | + 5 % |
| 3e trimestre 2025 (juillet-septembre) | 25,04 | 0 % | 6,48 | 0 % |
| 4e trimestre 2025 (octobre-décembre) | 25,28 | + 1 % | 5,04 | – 22 % |
Pour mieux visualiser la dynamique des prix dans le temps, ces données peuvent être représentées sous forme graphique.
2 Comparaison tarif social/contrats commerciaux : électricité
Voici un graphique qui permet de visualiser l’évolution du tarif social pour l’électricité sur la période étudiée. Pour rappel, les prix présentés incluent l’ensemble des composantes : la fourniture d’énergie, le transport, la distribution, ainsi que les taxes et redevances applicables. Cette approche permet de rendre compte du coût réellement supporté par les ménages bénéficiaires du tarif social et de comparer ces évolutions avec celles observées pour les contrats commerciaux, sur une base commune et cohérente.

Figure 1 – Évolution du tarif social pour l’électricité entre janvier 2022 et décembre 2025 (c€/kWh)
Comme on peut le constater, sur l’ensemble de la période considérée, le tarif social pour l’électricité oscille autour d’une moyenne d’environ 25 centimes d’euro par kWh. Les fluctuations restent contenues dans une marge de plus ou moins 5 centimes, ce qui témoigne d’une relative stabilité des prix du tarif social pour l’électricité. Cette évolution contraste avec celle des contrats commerciaux, qui ont connu des variations plus marquées — bien qu’avec une tendance globale à la baisse sur la période. Le tarif social apparaît ainsi comme un instrument de protection efficace, en lissant les effets des fluctuations du marché et en garantissant aux ménages bénéficiaires une prévisibilité tarifaire accrue.

Figure 2 – Comparaison de l’évolution du prix du tarif social et commercial pour l’électricité entre janvier 2022 et décembre 2025 (c€/kWh)
Comme on peut l’observer, le tarif social présente une volatilité nettement plus faible que celle des prix des contrats commerciaux. Il joue aussi un rôle protecteur important : il ne connaît pas les pics extrêmes qui ont caractérisé les prix commerciaux lors de certaines périodes. La réduction de l’écart entre le tarif social et les prix moyens des contrats commerciaux, qu’ils soient fixes ou variables, s’explique donc en grande partie par le fait que l’envolée des prix sur le marché a été faiblement répercutée sur le tarif social, grâce au mécanisme de plafonnement mis en place.
Comparaison tarif social/contrats commerciaux : gaz
Qu’en est-il du tarif social pour le gaz ? Le graphique ci-dessous met en évidence une dynamique relativement différente de celle observée pour l’électricité.

Figure 3 – Évolution du tarif social pour l’électricité entre janvier 2022 et décembre 2025 (c€/kWh)
Si le tarif social reste encadré et moins volatile que les prix commerciaux, il présente néanmoins une tendance haussière sur l’ensemble de la période considérée. Autrement dit, l’effet de stabilisation reste présent, mais il est moins marqué : les prix augmentent progressivement trimestre après trimestre, traduisant une évolution structurelle à la hausse plutôt qu’une simple fluctuation conjoncturelle. Cette tendance est d’autant plus significative qu’elle contraste avec l’évolution des prix moyens des contrats commerciaux, qu’ils soient fixes ou variables. Comme on le verra plus loin, ces derniers ont connu une diminution progressive au fil de la période, reflétant une normalisation relative après les pics exceptionnels atteints lors de la crise de l’énergie. Alors que les tarifs commerciaux redescendent peu à peu, le tarif social du gaz suit, lui, une trajectoire inverse, marquée par une hausse tendancielle sur la période.

Figure 4 – Comparaison de l’évolution du prix du tarif social et commercial pour le gaz entre janvier 2022 et décembre 2025 (c€/kWh)
On observe également une réduction de l’écart entre le tarif social et la moyenne des prix commerciaux pour le gaz. Comme pour l’électricité, cette diminution s’explique en partie par la baisse progressive des prix commerciaux après la crise énergétique, période durant laquelle l’écart avait atteint des niveaux très élevés. Elle résulte également de la tendance haussière du tarif social sur la période, ce qui conduit à une convergence progressive entre le prix du tarif social et celui des contrats commerciaux.
3 Conclusion : un outil efficace ?
Il apparaît donc que le tarif social constitue un instrument efficace pour protéger les ménages les plus vulnérables. Il assure une stabilité relative des prix, même en période de crise énergétique, offrant ainsi une prévisibilité précieuse pour les budgets des ménages. On note certes une tendance à la hausse pour le tarif social du gaz sur la période étudiée, mais celle-ci pourrait être temporaire, le quatrième trimestre de l’année coïncidant avec une baisse du tarif. Quoi qu’il en soit, le tarif social demeure un outil pertinent et essentiel pour garantir l’accès à l’énergie aux ménages les plus fragiles.